Les obligations légales à connaître avant de passer à la facturation électronique

La transition vers la facturation électronique représente un tournant majeur pour les entreprises françaises. Cette évolution, imposée par la réglementation, vise à moderniser les processus comptables et fiscaux et à renforcer la lutte contre la fraude. Pour les professionnels, il est indispensable de connaître les implications légales et techniques de ce changement afin de s’y conformer. Quelles sont les nouvelles exigences à respecter lors de l’adoption d’une solution de facturation électronique ? Comment s’assurer de la conformité de ses pratiques ?

Le cadre juridique de la facturation électronique en France

Le passage à la facturation électronique s’inscrit dans un cadre légal défini par plusieurs textes de loi. L’ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021 pose les bases de cette réforme, en établissant notamment le calendrier de déploiement et les obligations des entreprises. Cette ordonnance s’appuie sur l’article 153 de la loi de finances pour 2020, qui autorise le gouvernement à généraliser le recours à la facturation électronique.

Le Code général des impôts a également été modifié pour tenir compte de ces nouvelles dispositions. L’article 289 du CGI définit désormais les caractéristiques d’une facture électronique conforme : elle doit être émise et reçue sous une forme dématérialisée, et sa fiabilité doit être garantie dès son émission jusqu’à la fin de sa période de conservation. Cette exigence de fiabilité garantit la valeur probante des factures en cas de contrôle fiscal.

Pour les entreprises, ces changements impliquent une adaptation de leurs processus internes. Il est recommandé d’utiliser un logiciel de facturation compatible avec ces nouvelles normes pour faciliter la transition, qui permet de générer des factures conformes, mais aussi de gérer leur transmission et leur archivage selon les exigences légales.

Normes techniques et formats de factures électroniques

La conformité technique des factures électroniques est un élément clé de la réforme. Les entreprises doivent s’assurer que leurs factures respectent des formats qui garantissent leur lisibilité tant par les systèmes informatiques que par les agents de l’administration fiscale. Trois principaux formats ont été retenus par les autorités françaises : Factur-X, UBL (Universal Business Language) et UN/CEFACT CII (Cross Industry Invoice).

Standard Factur-X et son implémentation

Le format Factur-X, également connu sous le nom de ZUGFeRD 2.1, est un format hybride qui combine un fichier PDF lisible par l’humain et un fichier XML contenant les données structurées de la facture. Cette dualité facilite à la fois le traitement des données et la vérification visuelle des informations par les utilisateurs.

En utilisant le Factur-X, attention à la structuration des données. Les entreprises doivent s’assurer que leurs systèmes de gestion sont capables de générer et de lire ce format et vérifier que tous les champs obligatoires sont correctement renseignés, notamment le numéro unique de la facture, les identifiants fiscaux des parties, et les détails de la transaction.

Format UBL (Universal Business Language) pour l’e-facturation

L’UBL est un standard international basé sur le XML, principalement utilisé pour les échanges électroniques de documents commerciaux. Dans le contexte de la facturation électronique française, l’UBL 2.1 est la version retenue. Ce format offre une grande richesse sémantique, qui permet de décrire avec précision tous les éléments d’une transaction commerciale.

L’adoption de l’UBL peut nécessiter des ajustements plus importants des systèmes d’information des entreprises, en particulier pour celles qui n’utilisaient pas déjà ce standard. Le personnel comptable devra être formé à son utilisation et les logiciels de gestion mis à jour pour prendre en charge l’UBL.

Compatibilité avec la plateforme Chorus Pro

La compatibilité avec Chorus Pro, la plateforme de facturation électronique de l’État français, est à prendre en compte pour les entreprises travaillant avec le secteur public. Bien que la réforme de 2026 concerne principalement les échanges entre entreprises privées, la cohérence avec Chorus Pro est maintenue pour simplifier les processus pour les entreprises ayant une clientèle mixte (publique et privée).

Les formats acceptés par Chorus Pro incluent le PDF, le XML (conforme à la norme européenne EN16931) et le format mixte Factur-X. Les entreprises doivent s’assurer que leur solution de facturation électronique est capable de générer des factures dans ces formats, de manière à faciliter la transition entre les différents systèmes de facturation.

Exigences de signature électronique

La signature électronique est un élément central dans ces nouvelles démarches administratives, dont le but est de garantir l’authenticité et l’intégrité des factures électroniques. Selon le règlement eIDAS (electronic IDentification, Authentication and trust Services), une signature électronique avancée doit être :

  • Liée au signataire de manière univoque et aider à l’identifier

  • Créée à l’aide de données de création de signature électronique que le signataire peut utiliser sous son contrôle exclusif

  • Liée aux données associées de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable

La mise en place d’une solution de signature électronique conforme à ces exigences est indispensable pour assurer la validité juridique des factures émises. Les entreprises doivent choisir des prestataires certifiés pour la fourniture de services de confiance qualifiés, conformément au règlement eIDAS.

Obligations de conservation et d’archivage des factures électroniques

La dématérialisation des factures ne dispense pas les entreprises de leurs obligations de conservation. Au contraire, l’archivage électronique des factures est soumis à des règles strictes visant à garantir leur intégrité et leur accessibilité sur le long terme.

Durée légale de conservation selon le Code général des impôts

Conformément à l’article L102 B du Livre des procédures fiscales, les factures électroniques doivent être conservées pendant une durée minimale de 6 ans à compter de la date de leur émission. Cette période peut être étendue à 10 ans pour certains documents, notamment ceux relatifs à des opérations immobilières.

La conservation doit se faire sous forme électronique pendant toute cette durée. La conversion en format papier n’est pas considérée comme conforme aux exigences légales. Les entreprises doivent donc mettre en place des systèmes d’archivage électronique sécurisés et pérennes.

Systèmes d’archivage électronique à valeur probante

L’archivage électronique des factures doit répondre à certains critères pour être considéré comme à valeur probante. Ces systèmes doivent garantir :

  • L’intégrité des documents archivés

  • La traçabilité des accès et des modifications

  • La lisibilité des documents pendant toute la durée de conservation

  • La possibilité de restitution sur demande de l’administration fiscale

Les entreprises peuvent opter pour des solutions d’archivage internes ou faire appel à des prestataires spécialisés. Dans tous les cas, elles sont tenue de s’assurer que le système choisi est conforme aux normes en vigueur, notamment la norme NF Z42-013 relative à l’archivage électronique.

Protocoles de sécurisation des données archivées

La sécurisation des données archivées est un garantit leur valeur probante. Les protocoles de sécurisation doivent inclure :

  1. Le chiffrement des données pour prévenir tout accès non autorisé

  2. La mise en place de systèmes de sauvegarde redondants

  3. Des procédures de contrôle d’accès strictes

  4. Des mécanismes d’horodatage pour prouver l’existence des documents à une date donnée

  5. Des journaux d’audit détaillés pour tracer toutes les opérations effectuées sur les documents

Ces mesures techniques doivent être accompagnées de procédures organisationnelles rigoureuses, incluant la formation du personnel et des audits réguliers des systèmes d’archivage.

Protection des données personnelles dans le cadre de l’e-facturation

La protection des données personnelles doit être assurée via des pratiques conformes avec le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et la loi Informatique et Libertés.

Conformité au RGPD pour le traitement des factures électroniques

Le traitement des factures électroniques implique nécessairement le traitement de données personnelles, telles que les noms, adresses et coordonnées bancaires des clients et fournisseurs. Les entreprises doivent donc :

  • Identifier clairement les bases légales du traitement (exécution d’un contrat, obligation légale)

  • Limiter la collecte des données au strict nécessaire (principe de minimisation)

  • Informer les personnes concernées du traitement de leurs données

  • Mettre en place des mesures techniques et organisationnelles pour assurer la sécurité des données

  • Tenir un registre des activités de traitement incluant la facturation électronique

Il est recommandé de réaliser une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD) pour les traitements à grande échelle liés à la facturation électronique.

Mesures de pseudonymisation et de chiffrement des données

La pseudonymisation et le chiffrement sont des mesures techniques qui protègent les données personnelles contenues dans les factures électroniques. La pseudonymisation consiste à remplacer les identifiants directs (nom, prénom) par des alias. Le chiffrement rend les données illisibles sans la clé de déchiffrement.

Ces techniques doivent être appliquées de manière systématique, en particulier lors de la transmission et du stockage des factures.

Droits des personnes concernées et procédures d’exercice

Les personnes dont les données figurent sur les factures électroniques conservent leurs droits au titre du RGPD. Les entreprises doivent mettre en place des procédures qui permettent l’exercice effectif de ces droits, notamment :

  1. Le droit d’accès aux données personnelles

  2. Le droit de rectification des données inexactes

  3. Le droit à l’effacement (dans les limites des obligations légales de conservation)

  4. Le droit à la limitation du traitement

  5. Le droit d’opposition (dans certains cas)

Ces procédures doivent être documentées et communiquées clairement aux personnes concernées. Il est recommandé de désigner un point de contact unique, comme un Délégué à la Protection des Données (DPO), pour gérer ces demandes.

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